CONTEXTE
Le mélanome est un cancer peu fréquent par comparaison aux carcinomes épithéliaux mais c’est la plus grave des tumeurs malignes cutanées car sa capacité à métastaser met en jeu le pronostic vital du patient.
Des arguments forts incitent à valoriser le diagnostic précoce auprès du public et de l’ensemble des professionnels de santé : en 2006 les traitements du mélanome au stade métastatique n’ont pas d’effet sur la mortalité. Seul le diagnostic de mélanomes in situ (stade précoce du mélanome) et de mélanomes de faible épaisseur (mesuré par l’indice de Breslow) pourrait permettre de diminuer la mortalité liée à ce cancer.
Les données de la littérature montrent que le pronostic du patient dépend de la valeur de l’indice de Breslow et de la présence ou non d’une ulcération à l’examen histologique au moment de l’exérèse du mélanome :
- une corrélation inverse entre l’indice de Breslow et la survie après traitement est observée : le taux de survie à 5 ans est de 91-95 % lorsque cet indice est < 1 mm et est de 63-79 % lorsqu’il est compris entre 2 et 4 mm ;
- le taux de récidives locales, régionales ou à distance est corrélé à l’indice de Breslow.
Le traitement sera d’autant plus efficace qu’il sera appliqué sur un mélanome ayant un indice de Breslow faible : efficacité sur la mortalité et/ou le taux de récidives. Les campagnes d’incitation au diagnostic précoce ont un impact positif (augmentation du nombre de mélanomes dépistés et diminution de l’épaisseur des mélanomes dont on a fait l’exérèse)
LES DIFFÉRENTS TYPES DE MÉLANOME
- Le mélanome à extension superficielle (SSM) : tache de contour irrégulier polycyclique, de couleur inhomogène polychrome (noir, marron, rouge, achromique), non palpable ou palpable selon sa phase d’évolution. Croissance lente (mois à années) 70-80 % des mélanomes.
- Le mélanome nodulaire (MN) : nodule de couleur noire (parfois achromique), ferme, arrondi, pouvant s’ulcérer, se recouvrir d’une croûte, suinter ou saigner. Croissance rapide (semaines à mois) 4-18 % des mélanomes.
- Le mélanome de Dubreuilh : tache pigmentée, inhomogène, allant du noir au marron foncé, observée sur les zones photo-exposées chez le sujet âgé (visage principalement).
- Le mélanome acral-lentigineux : observé sur les paumes ou plantes (tache brune ou noire au contour irrégulier), les ongles (bande mélanique > 6 mm de large, pigmentation irrégulière), les zones cutanées non exposées au soleil.
LES FACTEURS DE RISQUE À RECHERCHER
Les facteurs suivants augmentent le risque (risque multiplié par deux) de survenue d’un mélanome (pour le détail de ces facteurs, voir le tableau en dernière page) :
- nombreux nævus communs (grains de beauté), nævus atypiques ;
- mode de vie donnant lieu à une exposition solaire intense ;
- antécédents de coups de soleil (brûlures solaires) ;
- phototype cutané de type I (coups de soleil + absence de bronzage) ;
- antécédents personnels ou familiaux de mélanome ;
- caractéristiques physiques (couleur des cheveux ou de la peau, éphélides).
L’EXAMEN CLINIQUE
On ne peut connaître le stade de gravité du mélanome sur le seul aspect clinique (aucune corrélation entre le diamètre du mélanome et son épaisseur). L’examen clinique est une méthode performante à condition de connaître la sémiologie des mélanomes (importance de la formation).
La démarche analytique visuelle
- La règle ABCDE est la méthode de référence en France.
- L’acronyme ABCDE signifie : A = asymétrie ; B = bord ; C = couleur ;
- D = diamètre ; E = évolutivité (voir tableau en dernière page).
- Une lésion mélanocytaire est considérée comme suspecte si deux de ces critères sont validés (le critère E étant le critère le plus pertinent).
La démarche cognitive visuelle
- Chez un sujet donné, les nævus ont un aspect clinique homogène (les nævus se ressemblent entre eux).
- Une lésion mélanocytaire est considérée comme suspecte si elle est cliniquement différente des autres nævus du patient dans sa forme, sa couleur ou son épaisseur.
LE PARCOURS DE SOINS COORDONNÉS DE VOTRE PATIENT
Vous avez identifié un patient à risque de mélanome, vous devez :
- l’inciter à faire examiner sa peau une fois par an par un dermatologue ;
- l’inciter à l’auto-examen cutané une fois par trimestre (voir ci-après) ;
- l’informer sur les risques liés à l’exposition solaire.
Vous avez identifié une lésion suspecte chez un patient à risque ou non, vous devez adresser sans délai votre patient à un dermatologue :
- si le dermatologue confirme la suspicion de mélanome, il pratiquera une exérèse de la lésion ;
- l’examen anatomo-pathologique confirmera ou non le diagnostic de mélanome ;
- en fonction des résultats de cet examen le dermatologue décidera de la prise en charge thérapeutique (traitement, surveillance) et l’expliquera à votre patient.
L’AUTO-EXAMEN CUTANÉ : POURQUOI ? COMMENT ?
L’auto-examen permet à votre patient d’examiner seul la totalité de sa peau (temps de réalisation : 15 minutes). Votre patient devra rechercher une lésion mélanocytaire cliniquement différente de ses autres nævus ou d’apparition récente ou évolutive dans sa taille, sa couleur ou son épaisseur.
- Étape 1 : L’examen direct : le patient devra examiner à l’œil nu les paumes de ses mains et pieds, ses ongles, ses doigts et ses espaces entre les doigts des mains et des pieds, la face avant de ses bras et avant-bras, ses cuisses et ses jambes.
- Étape 2 : L’examen avec miroir en pied : le patient devra se placer devant un miroir en pied vertical et examiner sa peau de haut en bas. Il tournera vers le miroir le côté gauche puis le côté droit de son corps, les bras levés à la verticale.
- Étape 3 : L’examen avec un miroir à main : pour les zones de peau non accessibles à la vue, le patient peut s’aider d’un miroir à main. Assis sur un tabouret, il surélève chaque jambe pour examiner la face interne, externe et postérieure du mollet et de la cuisse. La face postérieure des bras, de la nuque, du dos, le cuir chevelu et la région génitale seront aussi examinées à l’aide du miroir à main. Le patient peut également demander l’aide d’une personne de son entourage.